Policy paper

Conférence de Londres sur le commerce illicite d’espèces sauvages (octobre 2018): Déclaration

Updated 28 January 2019

1) Nous, les représentants des Gouvernements, réunis à Londres les 11 et 12 octobre 2018, reconnaissant l’ampleur des effets néfastes sur l’économie, l’environnement, la sécurité et la société du commerce illicite d’espèces sauvages, prenons l’engagement politique suivant et appelons la communauté internationale à se mobiliser pour soutenir et mettre en place des mesures collectives urgentes pour combattre le commerce illicite d’espèces sauvages comme un crime grave commis par des criminels organisés, et fermer les marchés des espèces de faune et de flore victimes de ce commerce illicite.

2) Ce faisant, les Gouvernements et les organisations régionales d’intégration économique qui ont adopté la Déclaration de Londres de 2014 ainsi que les Communications de Kasane de 2015 et d’Hanoi de 2016 sur le commerce illicite d’espèces sauvages réaffirment leur détermination de lutter contre le commerce illicite des espèces sauvages et des produits issus de la flore et faune et de concrétiser les engagements formulés dans ces déclarations. Ceux qui n’étaient pas parties aux déclarations originales se joignent désormais à nous pour affirmer notre détermination à combattre le commerce illicite d’espèces sauvages dans la présente Déclaration.

Incidences du commerce illicite d’espèces sauvages

3) La lutte contre le trafic d’espèces sauvages reste un enjeu mondial urgent. Ce commerce illicite contribue en effet au recul spectaculaire sur tous les continents des populations de nombreuses espèces protégées : éléphants, rhinocéros, perroquets gris, pangolins, esturgeons, palissandre… De plus, il augmente le nombre d’espèces en danger. La demande de produits interdits d’origine végétale et animale englobe une multitude d’espèces et de facteurs déterminants du marché, et ces pressions exercées sur les populations d’espèces sauvages s’ajoutent, sans s’y limiter, à d’autres pressions : croissance démographique, évolution de l’affectation des sols, pollution et changements environnementaux, entre autres. Le commerce illicite d’espèces sauvages est souvent une activité criminelle hautement organisée et complexe qui est menée à une échelle industrielle.

4) Le trafic d’espèces sauvages représente aussi une grande menace pour la sécurité nationale et régionale : il se traduit par des incursions dans d’autres États, les réseaux le soutenant étant souvent les mêmes que ceux qui facilitent le blanchiment d’argent, les trafics d’armes et de drogues, et la traite d’êtres humains, notamment l’esclavage moderne.

5) Le commerce illicite d’espèces sauvages a des effets dévastateurs sur de nombreuses espèces déjà menacées d’extinction et en poussent d’autres dans la catégorie des espèces en danger. Il alimente la corruption, ce qui crée de l’insécurité, affaiblit la primauté du droit et affecte les perspectives de croissance économique. La gestion durable des ressources naturelles peut contribuer à la conservation d’habitats vitaux et au maintien de l’intégrité des écosystèmes, tout en impliquant les communautés locales, en créant des emplois décents et en servant de moyen de lutte contre le commerce illicite d’espèces sauvages.

6) La criminalité organisée, la corruption et les mouvements de capitaux illicites connexes en lien avec le trafic d’espèces sauvages privent les recettes publiques de ressources.

7) Il est important de souligner les incidences du commerce illicite d’espèces sauvages sur les moyens d’existence durables des communautés, mais aussi l’importance des obligations des pays de respecter les accords conclus avec ces communautés autochtones et locales.

8) La lutte contre la criminalité liée au trafic d’espèces sauvages et les activités anti-braconnage qui s’y rattachent entraînent des coûts considérables et forcent les gouvernements à détourner des fonds déjà limités de leurs activités de conservation.

Traiter le commerce illicite d’espèces sauvages comme une forme de grande criminalité organisée

9) Trop souvent considéré comme un simple enjeu environnemental, le trafic d’espèces sauvages se déroule à une échelle industrielle et transnationale et, dans bien des cas, met en jeu d’énormes profits. Pour combattre cette grande criminalité transnationale, nous devons déployer la panoplie complète d’outils publics et privés, de cadres juridiques et d’interventions mis au point pour lutter contre d’autres formes de criminalité organisée internationale, ce qui a été approuvé par la Conférence des Parties à la CITES et par les résolutions de l’AGNU. Si de telles interventions sont déjà déployées, elles gagneraient à être mises en œuvre de manière plus systématique et à plus grande échelle. Pour faire en sorte que nous déployions l’arsenal complet d’outils et de techniques de lutte contre la grande criminalité organisée, il est vital de continuer à réduire les obstacles à la collaboration entre forces de l’ordre, tant à l’échelon international que dans les pays.

10) Nous intensifierons les mesures de lutte contre les mouvements financiers illicites liés au trafic d’espèces sauvages et contre la corruption qui s’y rattache, notamment en recourant davantage aux techniques d’enquête financière et à la collaboration public-privé pour identifier les criminels et leurs réseaux.

11) Nous saluons les mesures prises, conformément à la législation nationale, selon les besoins, pour traiter les délits liés aux espèces sauvages comme des infractions d’origine, y compris pour les infractions de blanchiment d’argent, telles qu’elles sont définies dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Nous ferons en outre fortement appel à la Convention des Nations Unies contre la corruption pour prévenir et combattre la corruption liée au commerce illicite d’espèces sauvages et le trafic de faune et de flore sauvages.

12) Nous prendrons des mesures pour renforcer les activités de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, et, le cas échéant, la législation portant sur les infractions liées au trafic d’espèces sauvages, en sensibilisant notamment les professionnels du système de justice pénale à la gravité, aux incidences et aux recettes potentielles de la criminalité liée à la flore et à la faune sauvages. Nous nous efforcerons de partager nos expériences et nos meilleures pratiques dans ce domaine.

Œuvrer en partenariat

13) En abordant la question des ressources locales, et en créant notamment des emplois décents, les populations se doteront de moyens d’existence alternatifs et durables et, dans certains cas, bénéficieront directement des espèces sauvages. Nous nous emploierons à encourager des moyens de subsistance durables qui offrent une alternative à la participation au commerce illicite d’espèces sauvages. Nous reconnaissons les droits des communautés locales et des personnes autochtones et le rôle clé de leur participation active pour garantir une solution durable au problème du commerce illicite d’espèces sauvages. Nous mesurons également l’importance de la reconnaissance par les communautés locales non seulement de la valeur des espèces et des habitats protégés, mais aussi des bienfaits que cette valeur peut apporter.

14) Nous reconnaissons l’importance de renforcer les capacités des services de gestion des espèces sauvages. Nous nous réjouissons des efforts consentis par les pays pour lutter contre le commerce illicite d’espèces sauvages : mise en place de mécanismes de coordination des mesures répressives, fermeture des marchés intérieurs de l’ivoire qui contribuent au braconnage et au commerce illicite, fourniture d’équipement et formation aux pays en développement et opérations internationales conjointes de répression.

15) Nous reconnaissons que les ministères et les agences gouvernementales mais aussi les autorités infranationales autres que ceux chargés de l’environnement et de la conservation de la nature doivent s’impliquer et prendre des mesures afin de traiter les facteurs systémiques et criminels qui facilitent le commerce illicite d’espèces sauvages et qui en bénéficient.

16) Nous reconnaissons que la coopération internationale est essentielle, les Gouvernements devant pleinement participer aux mécanismes bilatéraux, régionaux et internationaux appropriés. Grâce au dialogue avec les communautés locales, le secteur privé, les ONG et le milieu universitaire, ainsi qu’en faisant intervenir de nouveaux partenaires, nous établirons et renforcerons des partenariats durables à long terme pour changer les incitations de ceux qui sont impliqués dans le commerce illicite d’espèces sauvages. Nous exploiterons les technologies et nous partagerons et intensifierons les solutions porteuses et innovantes.

17) Nous nous réjouissons des engagements pris par les pays et les autres acteurs en faveur des efforts de lutte contre le trafic international d’espèces sauvages en collaboration avec les communautés locales pour garantir des moyens d’existence durables. Il est essentiel d’axer nos efforts sur les lieux bien gérés dans les pays d’origine, où les relations avec les communautés locales peuvent être entretenues dans le temps.

18) Nous saluons par ailleurs la coopération transfrontalière accrue entre pays d’origine, pays de transit et pays destinataires et les autres activités menées pour combattre le commerce illicite d’espèces sauvages au moyen d’accords et de mécanismes bilatéraux, régionaux et multilatéraux, tout en facilitant l’exploitation règlementée, durable et légitime des ressources naturelles dont nous dépendons tous.

Réduire la demande

19) Nous reconnaissons la nécessité de nous attaquer à la demande de produits illicites issus d’espèces sauvages. Jusqu’à présent, les ressources et les efforts déployés dans le monde entier pour réduire la demande d’espèces victimes de commerce illicite et de produits issus d’espèces sauvages se sont avérés modestes par rapport à d’autres types d’intervention.

20) Or, pour mettre fin au commerce illicite d’espèces sauvages, il est impératif que les mesures visant à s’attaquer à la demande de tels produits soient fondées sur des preuves et bâties sur des pratiques exemplaires. Nous mesurons l’importance de la recherche, qui nous permet de comprendre les facteurs prépondérants du marché, et de renforcer ainsi l’efficacité de notre action. Nous reconnaissons en outre le besoin d’adapter la recherche aux moteurs précis de l’exploitation illégale d’une espèce ou d’un produit. De même, nous reconnaissons le besoin d’investir davantage dans les outils, l’analyse des données et les financements. Nous nous réjouissons des mesures prises par les pays et les organisations pour comprendre et cibler les moteurs précis impliqués dans les campagnes de réduction de la demande, et nous engageons à tirer les enseignements de ces exemples, de partager les pratiques de référence et d’en évaluer les incidences. Nous reconnaissons l’énorme impact des campagnes gouvernementales promouvant un changement de comportement, et nous saluons les efforts menés par les pays pour intensifier ces campagnes afin de réduire la demande d’espèces victimes de commerce illicite et de produits issus de la flore et de la faune sauvages.

Nous saluons les mesures positives prises par les Gouvernements, les Nations Unies, les conférences des parties aux accords internationaux, le secteur privé et les acteurs non gouvernementaux pour combattre le commerce illicite d’espèces sauvages. Ils ont mené cette action dans leurs pays et par-delà les frontières nationales afin de mettre en œuvre leurs divers engagements et obligations. Nous réaffirmons notre intention de valoriser les succès déjà remportés et à cette fin sommes résolus à accroitre nos efforts individuels et collectifs pour honorer nos engagements actuels.