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A la reconquête de la fierté militaire du Mali

Le Général français Bruno Guibert parle de l’importance du rôle de la Mission de formation de l'Union européenne au Mali et des progrès accomplis.

Cela a été publié dans le cadre du 2010 to 2015 Conservative and Liberal Democrat coalition government
Malian soldiers at Koulikoro Training Camp [Picture: Senior Aircraftman Dek Traylor, Crown copyright]

Malian soldiers at Koulikoro Training Camp

La matinée a été très active au camp de formation de Koulikoro. Le déjeuner avalé, divers militaires provenant de plusieurs pays européens finissent leurs canettes d’Orangina et chargent leurs véhicules pour passer un nouvel après-midi à former les troupes maliennes. A quelques mètres de là, sous un abri de plein air pourvu de sièges confortables, le chef français de la mission, le Général de brigade Bruno Guibert, fait ses adieux à une délégation européenne de haut niveau.

Après le départ de la délégation, le Général Guibert a déclaré:

La visite a été bonne, des points de vue politique comme militaire, c’est très important. On nous a posé des questions sur la formation que nous avons fournie aux troupes maliennes et nous avons expliqué les progrès accomplis.

Brigadier General Bruno Guibert speaks with Ian Carr

French Brigadier General Bruno Guibert speaks with Ian Carr [Picture: Senior Aircraftman Dek Traylor, Crown copyright]

Les visites de ce genre ont beau alourdir la charge pesant déjà sur les épaules des soldats, elles ont leur rôle à jouer dans l’évolution du mandat de la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM), placée sous commandement français. On cherche donc à faire bonne impression de toutes les façons.

Ces quelque 12 derniers mois, l’Union européenne a eu pour objectif d’appuyer les efforts déployés par le Mali pour rétablir dans son intégralité l’ordre constitutionnel et démocratique, en aidant les autorités à exercer leur souveraineté à travers tout le territoire et en neutralisant, par la même occasion, les organisations criminelles et les menaces terroristes, surtout celles qui viennent du Nord du pays.

Le camp de formation de Koulikoro a joué un rôle essentiel dans ce processus, en reconstruisant l’armée malienne, en renforçant les aptitudes de son infanterie et en lui insufflant un nouvel esprit de corps.

Le Général Guibert a déclaré:

C’est là le quatrième des bataillons que nous aurons formés et nous sommes très optimistes, car l’officier qui le commande et les responsables tactiques sont d’un très bon niveau.

Il existe un bon esprit et une bonne cohésion entre les officiers et la troupe. La formation que nous fournissons est l’avenir du Mali. Les retours d’expérience que nous avons eus de la part des bataillons déployés depuis dans le Nord sont positifs et sont conformes à l’attente des Maliens.

Tout semble indiquer que les objectifs de l’UE sont bien atteints. Ayant été, selon les propres termes du Général, humiliée par les rebelles djihadistes l’an dernier dans le Nord, l’armée malienne a réussi, dans un laps de temps remarquablement court, à regagner la confiance de la population.

Avec l’aide de l’EUTM, les soldats maliens ont impressionné leurs compatriotes par leur professionnalisme retrouvé, leur sens du devoir et leur fierté. Le Général a déclaré:

Désormais, et particulièrement dans le Sud, on voit bien que les Maliens sont très fiers de leur armée. L’idée qu’ils en avaient depuis toujours, la confiance et la fierté qu’elle leur inspire, sont de nouveau là.

Même dans le Nord, la population voit dans l’armée un atout qui va pouvoir stabiliser la situation et l’aider à vivre paisiblement, comme elle le souhaite dans sa majorité.

A British military mentor trains Malian soldiers

A British military mentor from 1st Battalion The Rifles trains Malian soldiers [Picture: Senior Aircraftman Dek Traylor, Crown copyright]

Toutefois, en dépit de tous les progrès accomplis, la situation reste fragile et le Général Guibert ne cache pas que le moment n’est pas venu pour l’Union européenne de relâcher son effort. Il a déclaré:

La sécurité s’est améliorée dans le Nord, mais la menace terroriste n’a pas disparu, et les djihadistes ont montré qu’ils sont capables de se réorganiser.

Rien n’indique, heureusement, que l’EUTM soit sur le point de lever le pied de l’accélérateur puisque son mandat, qui devait prendre fin en mai, a maintenant été prorogé de deux ans. Le Général Guibert a déclaré:

Je crois que la communauté européenne comprend la façon dont nous aidons un pays ami à éviter la déstabilisation. Et les Européens savent bien que le continent ne se trouve qu’à quelques kilomètres de l’Afrique, de sorte que nous sommes ici aussi pour garantir notre propre sécurité.

Voilà pourquoi de si nombreux pays européens sont en faveur de la mission et souhaitent y participer.

Quatre bataillons maliens ont déjà bénéficié des 10 semaines de formation que comporte le programme au camp de Koulikoro et il est prévu d’en former encore autant. Le Général Guibert a déclaré:

Une fois que ce sera fait, cela voudra dire que d’ici 2016 nous aurons formé 6 000 hommes, de sorte que les Maliens pourront prendre la relève dans le Nord, ce qui pour l’armée constitue un objectif important.

Mais l’idée est d’aller au-delà.

Pendant toute la durée du second mandat, l’autonomie des troupes maliennes va être renforcée puisqu’elles vont être dotées de la capacité de se former elles-mêmes, et de former ensuite quatre bataillons supplémentaires pour porter le total à 12.

Pour le moment, une vingtaine d’instructeurs maliens sont présents au camp de Koulikoro pour acquérir les techniques de formation auprès de leurs camarades. Avec l’extension du dispositif, leur nombre est appelé à augmenter, et l’objectif ultime est de permettre aux Maliens de former eux-mêmes leurs unités dans leurs garnisons.

Malian soldier learns restraint techniques

A Malian soldier learns restraint techniques at Koulikoro Training Camp [Picture: Senior Aircraftman Dek Traylor, Crown copyright]

Le Général a déclaré:

La formation va être recyclée de sorte que les quatre bataillons qui sont passés par le camp de Koulikoro avant d’être déployés dans le Nord pourront à l’avenir profiter de ces deux expériences pour renforcer les capacités et pour mettre au point les tactiques.

Il est important que les Maliens comprennent bien que leur formation ne doit pas se faire qu’ici à Koulikoro, mais aussi dans les garnisons. Pour être efficace, une armée doit pouvoir se former elle-même et constamment renforcer ses capacités.

Au moins pour les toutes premières phases, des réflexions sont en cours sur ce que les armées des pays de l’UE pourraient faire pour aider les Maliens à cet égard, mais il faut au préalable s’assurer de tout le soutien voulu. Toutefois, ce n’est là que l’une des tâches auxquelles la mission de l’UE va s’atteler au cours des deux années à venir.

Pendant le second mandat, un groupe spécialisé va se pencher sur la réforme des structures des forces armées maliennes. A Bamako, la capitale, ce sont déjà une vingtaine d’officiers qui conseillent les autorités maliennes, tant politiques que militaires.

Le Général Guibert a déclaré:

La formation de bataillons est une chose, mais il faut aussi leur assurer un cadre durable où ils vont pouvoir évoluer. Nous aidons par exemple les ministres à réfléchir à la doctrine. Quel est l’objectif ultime de l’armée malienne?

Nous examinons les façons dont la chaîne de commandement va administrer l’armée au jour le jour et dont elle va préparer l’avenir. Cela exige certaines méthodes en matière de ressources humaines ainsi que des moyens informatiques. Au cours de l’année passée, cette armée n’a pas eu les capacités voulues pour agir dans ces domaines.

An Irish military mentor trains a Malian soldier

An Irish military mentor trains a Malian soldier [Picture: Senior Aircraftman Dek Traylor, Crown copyright]

Le Général a beau appeler de ses vœux le moment où les autorités maliennes diront poliment à leurs amis européens “Merci, cela suffit, nous pouvons maintenant continuer tout seuls”, il est pour le moment convaincu que vu la fragilité de la région, il faut que la communauté internationale maintienne son engagement aux côtés du pays.

Ces partenaires européens trouvent là un avantage connexe. Dans un monde où la coopération militaire prend de plus en plus d’importance, la mission au Mali offre une très bonne occasion de perfectionner ces liens fonctionnels. Le Général a déclaré:

Un mission militaire est une bonne façon de travailler ensemble. Ce n’est pas une mission de combat, mais cela nous donne la possibilité d’examiner nos doctrines respectives et d’apprendre à travailler selon des normes multinationales.

Nous nous rendons compte aussi que pour un investissement modéré, les résultats peuvent être tangibles, réels et bien visibles. Oui, la relation est forte entre Français et Britanniques. Mais cette mission nous prouve qu’il s’agit d’investir tous ensemble et d’agir collectivement.

La question de l’importance des rôles respectifs ne se pose pas. Ce qui compte, c’est que des Etats-membres sont engagés dans une mission, et chacune des participations est aussi importante que les autres.

Cet entretien mené par Ian Carr a été publié dans le numéro d’avril 2014 de Defence Focus, le journal interne aux forces armées et employés civils du ministère britannique de la défense.

Publié le 25 April 2014