Actualité du monde

La lutte contre le terrorisme à l'étranger

Traduction du discours du ministre des Affaires étrangères William Hague, prononcé le 14 février 2013 au Royal United Services Institute.

Cela a été publié dans le cadre du 2010 to 2015 Conservative and Liberal Democrat coalition government
Foreign Secretary William Hague

Foreign Secretary William Hague

Le 16 janvier dernier, un groupe de terroristes lié à Al-Qaïda au Maghreb Islamique a attaqué des installations de production de gaz dans le désert algérien.

Trente-neuf otages originaires de neuf pays ont trouvé la mort, dont six ressortissants britanniques.

Il s’est agi là de l’attaque la plus importante et la plus complexe qui ait affecté des ressortissants britanniques depuis les attentats à la bombe du 7 juillet 2005 à Londres.

Voilà qui soulève naturellement des questions sur la menace que posent Al-Qaïda et ses groupements affiliés, ainsi que sur la manière dont nous collaborons avec d’autres pays pour la réduire.

Le Royaume-Uni a une longue expérience de la lutte contre le terrorisme, et nos services de renseignement, comme nos services de police, comptent parmi les meilleurs du monde. Ils empêchent les terroristes de franchir nos frontières, ils détectent et déjouent leurs projets d’attentats tout en empêchant aussi que des recrues potentielles en viennent à se radicaliser. C’est grâce à leur travail que nous n’avons eu à subir aucune attaque sur notre territoire depuis 2005.

Mais si notre politique étrangère ne se préoccupe pas des circonstances qui permettent au terrorisme de prospérer à l’extérieur, nous allons nous retrouver pour toujours à mener contre lui un combat d’arrière-garde.

Nous ne cèderons jamais un instant notre droit à nous défendre, y compris s’il le faut par le recours à la force. Mais le terrorisme ne trouve que rarement, s’il le fait jamais, des solutions d’ordre purement militaire.

Nous sommes engagés dans une démarche de longue haleine, celle d’une génération, pour priver les groupes terroristes de théâtres d’opération, pour aider les pays vulnérables à renforcer leurs capacités à faire respecter le droit, pour remédier à l’injustice et aux conflits qu’exploitent les terroristes, et pour combattre leur idéologie.

Nous ne devons jamais oublier que ceux qui ont le plus à souffrir sont les habitants des pays victimes du terrorisme et de l’extrémisme : les femmes et les enfants tués par les attentats-suicides à la bombe d’Al-Shabbaab en Somalie ; les petites filles qui, au Pakistan, ne peuvent pas se rendre à l’école à cause de l’intimidation à laquelle elles se heurtent de la part des talibans opérant dans ce pays ; ou les communautés dévastées par les attaques d’Al-Qaïda en Irak.

Ce sont les populations musulmanes qui ont le plus à souffrir du terrorisme à travers le monde, du fait d’individus qui font leur une interprétation déformée et violemment extrémiste d’une grande religion pacifique.

Le terrorisme ne saurait se justifier d’aucune façon. Il est méprisable de prendre aveuglément pour cibles des civils, sous quelque forme ou de quelque façon que ce soit. Jamais notre détermination à vaincre le terrorisme ne doit faiblir ni faire défaut, ne serait-ce qu’un seul jour.

Mais lorsque nous nous posons nous-mêmes en défenseurs de la liberté, des droits de l’homme et de l’état de droit, nous ne devons jamais recourir à des méthodes qui les compromettraient.

En tant que démocratie, nous devons nous soumettre nous-mêmes aux normes les plus exigeantes. Cela veut dire, entre autres, que nous devons reconnaître sans la moindre ambiguïté que la torture et les mauvais traitements sont des méthodes répugnantes, inacceptables et contre-productives.

Notre position de fond, c’est que nous sommes résolus à faire prévaloir le droit. Toute allégation de complicité du Royaume-Uni dans ce genre de pratique devra faire l’objet d’une enquête approfondie.

Pour faire face au terrorisme, il nous faut donc combiner le travail et l’ingéniosité de nos services de renseignement et de notre police avec une diplomatie intelligente. Nous devons aider à la stabilisation et à l’établissement de la règle de droit dans d’autres pays, tout en respectant à chaque instant les valeurs qui sont les nôtres. Et il nous faut faire cause commune avec les peuples et les gouvernements qui rejettent cette violence. Cette combinaison de renseignement, de diplomatie, de développement et de partenariat avec d’autres pays constitue la seule façon de venir à bout du terrorisme à long terme. Il nous faut être résolus, bien conscients de ce que nous voulons et fidèles à nos principes.

Douze ans après le 11-Septembre, Al-Qaïda et son idéologie restent la principale source de la menace terroriste pesant sur le Royaume-Uni.

Mais la nature même de cette menace a changé, de trois façons :

Tout d’abord, cette menace est géographiquement plus diversifiée. Nous avons affaire à un “noyau dur d’Al-Qaïda” bien déterminé au Pakistan et dans les régions frontalières de l’Afghanistan, ainsi qu’à une multiplicité de groupements inspirés par Al-Qaïda dans les régions les plus fragiles du monde.

Au Pakistan, Al-Qaïda est diminué et soumis à forte pression. Il n’en est pas moins capable de mettre au point des attaques sophistiquées. Comme dans d’autres parties du monde, il exploite la présence de certains Occidentaux qu’attirent dans la région les visées extrémistes, et il utilise à mauvais escient les liens noués par la diaspora, y compris au Royaume-Uni, qui autrement constituent un si grand atout pour notre pays.

Dans le même temps, les affiliés d’Al-Qaïda au Yémen, en Somalie et dans d’autres parties de l’Afrique sont en mesure d’organiser de dangereuses attaques. Al-Qaïda dans la Péninsule arabique a essayé bien des fois de s’en prendre à des avions, avec de très nombreuses victimes s’il avait réussi, comme par exemple avec la tentative de dissimulation d’un engin explosif dans une cartouche d’imprimante.

En deuxième lieu, la menace terroriste est plus fragmentée. Al-Qaïda n’a pas la haute main sur des groupements affiliés partageant tous les mêmes mots d’ordre, même si c’est ce qu’il aimerait bien nous faire croire. Nous ne devrions pas commettre l’erreur consistant à surestimer le soutien que peut apporter Al-Qaïda, ou la cohérence de ses démarches. Ainsi par exemple, en Somalie, l’emprise d’Al-Shabbaab englobe ceux qui objectent à la présence des troupes africaines et qui aspirent à établir un Etat islamiste, jusqu’aux combattants étrangers qui voient dans le pays une plateforme d’où semer la terreur à travers le monde, en passant par ceux qui veulent l’établissement d’une “grande Somalie” dans la région. Toutefois, cette fragmentation de la menace signifie qu’il faut traiter chaque groupement séparément et à travers des aires beaucoup plus vastes, ce qui complique d’autant les efforts et rend plus difficiles les choix quand il s’agit de répartir les ressources en fonction des priorités.

Troisièmement, le terrorisme s’appuie encore plus aujourd’hui sur l’exploitation de problèmes locaux et régionaux. Les terroristes sont constamment à la recherche de nouvelles zones leur donnant la plus grande liberté pour préparer des attaques à l’extérieur. Ils tirent avantage de conflits non résolus pour infiltrer des populations qui, sans cela et selon toute vraisemblance, ne voudraient pas d’eux. C’est ainsi, à la manière d’un virus, que la menace se propage là où les défenses locales sont les plus faibles.

Par exemple, depuis son apparition comme affilié d’Al-Qaïda au milieu de la décennie passée, Al-Qaïda au Maghreb islamique a tiré parti du sentiment d’exclusion fort répandu parmi les Touaregs dans toute cette région. C’est à partir du nord du Mali que cette mouvance prépare et déclenche ses opérations terroristes, en kidnappant des étrangers contre rançon pour financer ses activités. Avant l’intervention de la France, la perspective qui s’offrait à nous était celle de la destruction de l’Etat malien par les terroristes islamistes.

Les révolutions du Printemps arabe ont porté un coup très sérieux à l’idéologie extrémiste. Que le changement puisse se produire lorsque la population d’un pays réclame la liberté politique et économique, voilà une idée qui contient en elle-même le germe, pour Al-Qaïda, de la perte de sa raison d’être.

Mettre en place les fondations d’une démocratie stable – l’état de droit et l’indépendance de la justice, une constitution qui respecte les droits des femmes et des minorités, des forces de sécurité qui maintiennent l’ordre sans réprimer, ainsi que le développement économique – tout cela prend beaucoup de temps.

L’assassinat d’un leader de l’opposition en Tunisie et les attaques contre le consulat des Etats-Unis à Benghazi illustrent bien les défis que les pays du Printemps arabe doivent affronter en matière de sécurité. C’est pourquoi nous fournissons au nouveau gouvernement libyen des conseils et une assistance technique en ce qui concerne la réforme de la police et de la défense, pour la sécurité publique et pour la mise en place d’un système judiciaire qui protège les droits de l’homme.

Il ne faudrait pas que nous perdions confiance dans les peuples de cette région. Suggérer que celle-ci se trouverait mieux sous les régimes répressifs du passé, c’est se tromper du tout au tout. Le pire des résultats consisterait à retomber dans l’autoritarisme ou le conflit. Il n’y a pas d’autre solution que d’œuvrer patiemment à la construction d’un nouvel ordre politique, et voilà pourquoi nous consacrons 110 millions de livres sterling, à travers l’Initiative pour le partenariat arabe, à la société civile et à la réforme de l’économie dans la région.

Mais pour ce qui est du court terme, extrémistes et terroristes vont saisir toutes les occasions pour tenter de détourner à leur profit ces révolutions. La Syrie représente à cet égard le cas le plus extrême.

Une vaste majorité des opposants au régime d’Assad sont des Syriens, qui se battent pour l’avenir de leur pays.

Mais la Syrie est désormais la toute première destination des Djihadistes du monde entier. Cela comprend un certain nombre d’individus ayant des liens avec le Royaume-Uni et avec d’autres pays d’Europe. Ils ne constituent peut-être pas une menace pour nous lorsqu’ils se rendent d’abord en Syrie, mais s’ils en reviennent vivants certains risquent de se trouver idéologiquement endurcis avec en plus l’expérience du maniement des armes et des explosifs.

Plus le conflit se prolonge, plus grand va devenir ce danger, et c’est là quelque chose que devraient garder à l’esprit les dirigeants de Russie et d’ailleurs. Le nombre de victimes innocentes va augmenter, les extrémistes vont devenir plus audacieux, le sectarisme va gagner du terrain et le risque de recours à des armes chimiques ou bactériologiques va devenir plus sérieux.

Un accord négocié débouchant sur un nouveau gouvernement qui regrouperait l’opposition et certains éléments du régime, et sur la base du consentement mutuel, constitue la meilleure façon d’échapper aux divisions qui minent la Syrie. Nous entendons que la Russie et la Chine se joignent à nous pour réussir cette transition, avec le soutien du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Mais il existe un risque sérieux que la violence aille s’aggravant. Nous devons maintenir ouvertes toutes les options afin d’aider à sauver des vies en Syrie et d’appuyer les groupes d’opposants hostiles à l’extrémisme. Nous nous attachons donc, avec les autres pays européens, à réviser le régime de sanctions imposé par l’UE, afin que rien ne s’oppose à la possibilité d’une assistance supplémentaire.

Nous sommes en outre convaincus qu’il appartient aussi à l’UE d’agir vigoureusement en réponse à l’attaque par des terroristes, en juillet dernier en Bulgarie, d’un autocar transportant des touristes israéliens. L’enquête en Bulgarie a indiqué que l’aile militaire du Hezbollah en était responsable. Il revient à l’UE de montrer qu’aucune organisation ne peut se livrer au terrorisme en territoire européen sans avoir à en subir les conséquences.

Et alors que nous cherchons à éliminer, bien au-delà, ce qui pourrait servir de zone de refuge aux terroristes, nous devons faire valoir sans ambigüité qu’aucun Etat ne devrait permettre à des groupes terroristes d’opérer à partir de son territoire, et qu’il est tout simplement inacceptable de faire du terrorisme un instrument de politique étrangère.

Si nous sommes bien conscients que la menace que le terrorisme fait peser sur nous va vraisemblablement émaner d’une plus vaste gamme d’Etats fragiles; que les complots visant le Royaume-Uni se trament fréquemment à l’extérieur; et que nous sommes incapables de déjouer ces complots sans collaborer avec les pays d’où émane le risque – alors il n’y a pas d’autre façon pour nous de venir à bout du terrorisme qu’à travers une approche internationale coordonnée et de long terme.

La stratégie anti-terroriste du gouvernement, CONTEST, combine une gamme complète d’interventions à l’échelle internationale comme nationale, à découvert ou non, qui va de la sécurité au développement en passant par le travail de terrain auprès de nos propres populations.

Nous avons maintenu et, là où il le fallait, renforcé les capacités de notre police, de nos services de renseignement et autres moyens de lutte contre le terrorisme.

Nous nous assurons que nous disposons des compétences voulues pour détecter toute activité terroriste, enquêter sur elle et lui donner des suites judiciaires; nous le faisons à travers des changements dans la législation, et nous avons beaucoup amélioré la situation à nos frontières pour réduire les menaces pesant sur leur sécurité et sur celle des aéronefs civils.

Nous apportons aussi en permanence des améliorations aux dispositifs complexes et bien coordonnés à mettre en œuvre par la police, le renseignement et les services de secours au cas où se produiraient des actes de terrorisme, en tirant les leçons d’attentats comme ceux de Mumbai en 2008, de Norvège en 2011 et de Toulouse en 2012.

Entre juillet 2011 et juillet 2012 ont eu lieu au Royaume-Uni plus de 220 arrestations en rapport avec le terrorisme, ce qui veut dire que la menace d’un terrorisme d’origine interne reste un enjeu non négligeable. Nous nous attachons donc à empêcher ceux que cela tenterait de devenir terroristes ou de soutenir le terrorisme. Cela implique notamment que nous nous opposons aux efforts déployés par ceux qui cherchent à attiser les tensions avec les musulmans en Grande-Bretagne. Il faut que le gouvernement et toutes les communautés continuent de collaborer et de rejeter les messages de division, de haine et d’extrémisme, quelle qu’en soit l’origine.

Mais une grande partie des efforts que nous déployons contre le terrorisme a désormais lieu à l’extérieur, là où les terroristes s’entraînent et préparent des attentats contre le Royaume-Uni ou contre nos intérêts à l’étranger. Nous ne saurions consentir ces efforts sans collaborer avec les autres pays.

Il nous faut, tout d’abord, nous préoccuper des circonstances dans lesquelles prospère le terrorisme, que ce soit en faisant redémarrer le Processus de paix au Proche-Orient ou en intensifiant nos démarches de prévention des conflits pour aider les pays fragiles à renouer avec la stabilité et la sécurité.

L’aide à la Somalie est l’une des grandes priorités de notre gouvernement. Voici deux ans, Al-Shabbaab contrôlait de vastes zones du pays, la piraterie était florissante et la menace terroriste ne cessait de s’aggraver.

Aujourd’hui, une action coordonnée de la part de la communauté internationale a vu des troupes africaines et somaliennes extirper Al-Shabbaab de ses bastions, la mise en place d’un nouveau gouvernement et un reflux de la piraterie à son plus bas étiage depuis 2008. En mai va se tenir à Londres une seconde conférence pour organiser le soutien à la restructuration des forces armées, de la police, des garde-côtes, du système judiciaire et des finances publiques de la Somalie.

Il ne faut jamais présumer que ce qui réussit dans un pays donné va réussir aussi bien dans un autre. Mais on peut dire que d’une manière générale ce qui réussit bien à la Somalie aujourd’hui, c’est avant tout l’appui à un nouveau gouvernement légitime, la paix et la sécurité assurées par les troupes africaines, et l’appui constant de la communauté internationale en matière diplomatique, financière et humanitaire.

Voilà qui devrait nous servir de modèle ailleurs en Afrique chaque fois que nous le pouvons, y compris au Mali où il faut engager d’urgence un processus démocratique véritable et inclusif, y compris des pourparlers avec les groupements non violents du nord et un soutien permettant aux Maliens de retrouver des moyens de subsistance. A notre échelle nationale, nous apportons une aide humanitaire généreuse aux pays affectés par un conflit, dont 13 millions de livres sterling au Mali, 55 millions au Yémen et 80 millions à la Somalie, au titre de l’exercice budgétaire en cours.

Il nous faut aussi renforcer la capacité des Etats à lutter contre le terrorisme, tout en préservant les droits de l’homme, comme y ont appelé les Nations Unies.

Il s’agit là d’une tâche extrêmement ambitieuse et difficile, puisque la menace terroriste n’est jamais plus sérieuse que lorsqu’elle émane de pays où l’état de droit et les droits de l’homme sont les plus affaiblis.

Voilà pourquoi je voudrais aujourd’hui exposer l’orientation très claire que le gouvernement va suivre au cours des années à venir.

Lorsque nous découvrons qu’un complot terroriste a son origine dans un pays tiers, nous entendons être en mesure de partager l’information afin de porter un coup d’arrêt au projet en question, et nous voulons le faire d’une manière qui va déboucher sur l’arrestation, la mise en examen et des poursuites à l’encontre des individus concernés et en accord avec nos propres obligations juridiques, les droits de l’homme étant respectés à chaque étape.

Cela donne lieu à des décisions extrêmement difficiles d’un point de vue éthique et politique, comme par exemple la question de savoir s’il convient de transmettre des éléments d’information qui pourraient sauver des vies et écarter une menace imminente, mais qui pourraient aussi risquer que quelqu’un soit maltraité une fois en détention.

La responsabilité du partage, avec les partenaires étrangers, d’informations concernant les menaces terroristes incombe avant tout à notre Service secret de renseignement (SIS). C’est à moi que sont adressées les demandes de partage de renseignements dans ces circonstances difficiles et très délicates.

Lorsqu’on se trouve en présence de risques graves, il est légitime qu’en dernier ressort la responsabilité de ces décisions revienne au Ministre des Affaires étrangères, tout comme il est légitime que notre Parlement et, en ultime recours, les tribunaux attendent du gouvernement qu’il soit comptable devant eux de ses actes.

Dans bien des cas, nous sommes en mesure d’obtenir de nos partenaires étrangers des assurances dignes de foi sur des sujets comme le traitement des détenus et les procédures judiciaires, ce qui nous donne à la fois les garanties dont nous avons besoin et la confiance voulue pour partager l’information dans ces conditions.

Lorsque tel n’est pas le cas, nous sommes aux prises avec un cruel dilemme. Nous pouvons nous désengager, ou nous pouvons décider de partager et de coopérer d’une façon soigneusement maîtrisée tout en optant pour une conception plus large en ce qui concerne le respect des droits de l’homme. Cette approche ne va pas sans risques, mais il ne fait aucun doute pour moi que la première option, celle du désengagement, est encore plus risquée, puisqu’elle accroît la possibilité que nos citoyens soient exposés à un attentat terroriste.

La coopération avec les autres pays devient de plus en plus impérative pour les raisons que je viens d’exposer. Je suis donc convaincu qu’il nous faut une approche cohérente et qui vaille pour le long terme, qui respecte nos lois et qui comporte des garde-fous, et qui ait pour effet de renforcer la capacité qu’ont les autres pays de respecter les droits de l’homme et de se conformer à leurs propres obligations.

La façon dont nous nous comportons va varier d’un pays à l’autre en fonction de l’ampleur et de la nature de la difficulté que nous avons à affronter. Mais nous chercherons à nouer des partenariats en matière de justice et de droits de l’homme avec les pays où il existe à la fois une menace pour la sécurité du Royaume-Uni et des faiblesses dans les dispositifs de respect du droit, des droits de l’homme et de la justice pénale.

Il ne s’agit là non pas d’initiatives de caractère exceptionnel ou isolées, mais bien plutôt – comme le suggère le terme de « partenariat » – d’un dispositif systématique de collaboration avec les autorités en cause pour mettre en évidence les insuffisances en termes de capacités et pour y remédier à travers l’assistance et l’expertise fournies par le Royaume-Uni sur une durée de plusieurs mois ou de plusieurs années.

Le genre de mesure que nous prenons peut inclure les éléments suivants :

  • Renforcer la capacité des services de sécurité étrangers combattant le terrorisme à mieux se conformer au droit et aux droits de l’homme et à les rendre plus effectifs,
  • Collaborer avec les enquêteurs locaux pour améliorer leur capacité à construire des dossiers qui se fondent sur des preuves plutôt que des aveux,
  • Soutenir les magistrats chargés des poursuites ainsi que les juges, pour que les tribunaux soient mieux à même de traiter les affaires de terrorisme de manière efficace, équitable et conforme à la règle de droit,
  • Et œuvrer pour améliorer et, lorsque cela peut d’imposer, observer les conditions dans les centres de détention, afin que les condamnés pour terrorisme puissent être détenus dans de bonnes conditions de sécurité et que leur traitement soit conforme aux normes internationales.

Nous sommes déjà engagés dans bon nombre de ces démarches. Par exemple, en Somalie, nous collaborons déjà avec Office des Nations Unies contre la drogue et le crime pour construire les prisons où détenir les individus condamnés pour actes de piraterie, avec des installations conformes aux normes internationales.

Ce que j’entends exposer aujourd’hui de la manière la plus explicite, c’est que vu la nature évolutive de la menace que j’ai évoquée, et vu notre détermination à défendre les droits de l’homme et le droit en général, nous allons en faire davantage dans ce domaine en multipliant ce type de partenariat.

Mais de manière plus essentielle, nous sommes en train de mettre en place, pour ce type de tâche, un cadre robuste, bien structuré et qui comporte de solides garde-fous :

Pour commencer, nous n’allons nous engager dans ce type de démarche que lorsqu’il existe une menace grave et potentiellement de long terme pour le Royaume-Uni et pour nos intérêts à l’étranger, comme par exemple celle qui émane de réseaux terroristes en Asie du Sud, au Yémen et dans certaines parties de l’Afrique du Nord et de l’Ouest.

Deuxièmement, tout notre travail de renforcement des capacités contre le terrorisme va être évalué avec le plus grand soin à la lumière de nos Lignes directrices pour la sécurité et l’assistance à la justice à l’extérieur, afin d’évaluer et d’atténuer les risques qui pèsent sur les droits de l’homme, en visant tout particulièrement à améliorer les normes en matière de droits de l’homme et à renforcer l’état de droit dans chaque pays concerné.

En troisième lieu, ce type de démarche ne va pas être entrepris isolément, car elle va au contraire faire partie des interventions diplomatiques et en faveur du développement tant du Royaume-Uni que de la communauté internationale dans chaque pays concerné. Quatrième point, tout l’aspect “renseignement” est soumis au même type d’examen détaillé et de surveillance en vigueur dans les autres domaines de cette activité, et il va à tout moment se conformer au droit.

Cinquièmement, chacune des dimensions de ce dispositif est soumise à la surveillance et à l’approbation ministérielles. Si moi-même ou tout autre ministre compétent constatons que certains éléments donnent raisonnablement à penser qu’il est fait mauvais usage de notre soutien, nous réagirons sans attendre. Toute intervention qui impliquerait que nous violons nos obligations en droit serait tout simplement bloquée. Il s’agit donc là d’un cadre qui nous rend comptables de nos actes et qui préserve les droits de l’homme, afin de garantir que nos activités de lutte contre le terrorisme appuient tant la justice et la règle de droit que notre propre sécurité, l’objectif étant de créer des conditions durables pour un meilleur respect des droits de l’homme dans des pays où cela n’a guère été le cas et où la menace terroriste est sérieuse.

Nous sommes convaincus que ce cadre est digne de la confiance des Britanniques dans leur ensemble, qu’il donne une fondation plus solide aux démarches du Royaume-Uni en faveur du renforcement des capacités à l’extérieur, et qu’il va améliorer le sentiment que notre droit, le droit international et nos valeurs démocratiques sont bien respectés.

Même une fois mis en place ces garde-fous, certains vont peut-être trouver que cette approche n’est pas la bonne.

Mais nous ne saurions assurer la sécurité de notre pays si nous ne coopérons pas du tout avec les pays qui ne se conforment pas entièrement aux mêmes normes que nous. Les pays qui le peuvent ne sont qu’une minorité à travers le monde. Les partenariats en matière de justice et de droits de l’homme nous fournissent un cadre robuste pour y contribuer.

Sans ce genre de partenariat, notre capacité à faire face aux menaces avant même qu’elles atteignent le Royaume-Uni se trouverait sévèrement limitée. Et il y a de bonnes raisons de croire qu’en recourant à des notions majeures comme la loi et les droits de l’homme ainsi qu’à des méthodes professionnelles de lutte contre le terrorisme, tout en insistant sur les normes de comportement les plus exigeantes pour nous-mêmes, nous serons à même d’encourager un meilleur respect des droits de l’homme dans ces pays.

Garantir tout ensemble la sécurité, la justice et des avancées en matière de droits de l’homme ne va pas toujours aller de soi et en dépit de tous nos efforts le succès ne sera pas toujours assuré. Mais cela restera toujours notre but.

Tout cela s’inscrit dans la même logique que l’une des premières décisions que notre gouvernement a prises dans ce domaine, lorsque nous avons publié les Recommandations interministérielles aux agents de renseignement et aux personnels des armées concernant la détention et l’interrogatoire de détenus à l’extérieur, pour que leur comportement soit conforme au droit interne du Royaume-Uni comme à nos obligations internationales. Le Premier Ministre a, en outre, demandé au Commissaire aux Services de renseignement d’assurer le suivi de la bonne mise en œuvre de ces Recommandations.

Nous prenons aussi en ce moment des mesures pour renforcer les pouvoirs de contrôle et de surveillance des services par les élus à travers un projet de loi sur la justice et la sécurité actuellement en discussion au Parlement. L’objectif est aussi de garantir que, lorsque cela s’impose rigoureusement, le juge au civil aux prises avec une affaire touchant à la sécurité nationale soit en mesure de prendre en compte tous les éléments relevant du cas d’espèce, y compris des éléments « sensibles », afin que justice soit rendue tout en préservant les intérêts de la sécurité du pays. L’objectif n’est pas de dissimuler ce que font les organes les plus secrets de l’Etat, mais bien précisément le contraire : renforcer leur obligation de rendre compte de leurs actes, et renforcer aussi la confiance qu’ils inspirent au public, alors qu’ils poursuivent la tâche qui est la leur, une tâche difficile, dangereuse et secrète par nécessité.

Rares sont les pays, s’il en existe, qui disposent en matière de lutte contre le terrorisme d’un dispositif plus solide que le nôtre pour ce qui est de la clarté des directives, de la prise de décision à l’échelon du ministre et de l’importance des considérations d’ordre juridique. Nous sommes en pointe dans le monde s’agissant du respect des normes les plus exigeantes possibles.

Mais nous sommes aussi un pays qui doit rester en mesure de garantir la sécurité de sa population et qui se trouve sous la menace de bon nombre d’individus prêts à nous faire beaucoup de mal. Nous entendons donc être aussi en pointe dans le monde s’agissant des partenariats propres à garantir notre sécurité tout en respectant les droits de l’homme. Loin d’être contradictoires, ces deux notions vont de pair.

En faisant face au terrorisme à l’extérieur, il nous faut aborder le monde tel qu’il est, et non tel que nous aimerions qu’il soit. Mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas chercher à le façonner ou à l’améliorer et, lorsqu’il le faut, trouver le moyen de collaborer avec d’autres d’une manière qui soit compatible avec nos propres valeurs : celles-là mêmes que le terrorisme est si déterminé à détruire.

Voilà donc la façon dont notre gouvernement aborde le terrorisme à l’extérieur :

Gouvernement, services, police et magistrats du parquet collaborent tous ensemble de manière cohérente et dans une optique de long terme pour s’attaquer aux menaces immédiates du terrorisme et à ses racines ;

Combattre le terrorisme tout en défendant nos valeurs, dans un cadre solide qui est celui de la responsabilité démocratique, et en visant un plus grand respect des droits de l’homme dans les autres pays ;

Le tout en recourant aux politiques étrangère et de développement pour améliorer la stabilité des pays plus fragiles.

C’est ainsi que nous rendons possible à travers le monde la coopération renforcée dont nous avons besoin pour éliminer le risque que fait peser, à terme, le terrorisme international, et pour contribuer à un avenir plus sûr et plus prospère pour la Grande-Bretagne.

Publié le 14 February 2013