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"Une vision pour le Royaume-Uni en Europe"

Discours du Vice Premier ministre Nick Clegg sur sa vision du Royaume-Uni au sein de l'Europe, le 1er novembre 2012.

Cela a été publié dans le cadre du 2010 to 2015 Conservative and Liberal Democrat coalition government
Deputy Prime Minister Nick Clegg

Deputy Prime Minister Nick Clegg

“Cet automne, le grand débat sur le rôle de la Grande-Bretagne a, comme toujours, suscité beaucoup d’effervescence mais bien peu de clarté.

Nous voulons rester, nous voulons sortir, nous voulons rapatrier certaines compétences, utiliser notre droit de veto, conserver la pinte, sauver notre livre sterling, protéger le plus solide de nos marchés à l’exportation, critiquer l’Allemagne, ne pas finir comme la Grèce, nous sentir fiers de notre rôle dans le rétablissement de la paix en Europe, tout en faisant preuve de cynisme face à l’attribution du prix Nobel de la Paix à un sigle. Et quand ce ne serait qu’hier soir à la Chambre des Communes, nous avons vu l’Europe se transformer en match de football, des politiciens opportunistes cherchant à marquer un but politique. Mais lorsque l’on se penche véritablement sur la question, un débat sérieux s’impose et nous avons à prendre des décisions sérieuses.

Dans l’Europe d’aujourd’hui, on peut en pratique occuper trois types de place. Ils s’emboitent comme les anneaux autour d’un cercle.

Il y a le noyau: c’est là que les pays de la zone Euro font désormais de plus en plus bloc; ils poussent l’intégration plus loin afin de soutenir la monnaie unique.

Il y a ensuite le cercle qui entoure celui-là – le cercle intérieur–: les Etats qui, sans appartenir à la zone Euro, sont membres de l’UE. Et puis le cercle extérieur: c’est là que l’on trouve les pays en cours d’adhésion, et ceux de l’Espace économique européen comme la Norvège , ainsi que la Suisse, etc.

Le Royaume-Uni fait partie du cercle intérieur – mais le terrain y est devenu mouvant. Le noyau se resserre de plus en plus et nous ne savons pas encore jusqu’à quel point. Certains Etats, à l’extérieur, cherchent à se rapprocher progressivement du centre. Et alors que se dégage une Europe différente, il va nous falloir décider, au cours des années qui viennent, de la place qu’il convient qu’y occupe le Royaume-Uni. Quel rôle allons-nous jouer dans notre nouveau voisinage ?

Très rares désormais sont ceux qui suggèrent que nous rejoignions le centre. Adopter l’euro n’est pas dans notre intérêt dans un avenir rapproché, et certainement pas dans un avenir proche.

Mais il y a aussi les forces qui nous tirent vers le bord, vers le cercle extérieur: réduction du champ de notre coopération sur le Continent; satisfaction de voir s’élargir la Manche; espoir, même, qu’elle se transforme en golfe.

Je voudrais aujourd’hui expliquer pourquoi il s’agit là d’une position très dangereuse, qui laisserait le Royaume-Uni isolé et marginalisé. Et je voudrais offrir une solution de remplacement bien plus intéressante : un Royaume-Uni robuste, exerçant de l’influence en Europe, et donc davantage encore dans le monde; collaborant avec nos alliés sur les questions qui comptent pour notre prospérité et notre sécurité; inspiré par le pragmatisme, et non le dogme, dans tous ces domaines. Et faisant partie sans ambiguïté du cercle intérieur.

Cela va exiger une approche faite à la fois d’engagement et d’équilibre. Donc ne pas accepter chaque demande ou règlementation émanant de Bruxelles. Mais, tout autant, coopérer de manière constructive lorsqu’il y va de notre intérêt national.

Pour ce qui est de notre avenir immédiat, cela veut dire trois choses. La première : un accord sur un budget européen rigoureux. La deuxième : la défense et l’approfondissement du marché unique (et de la place que nous y occupons – au nom de la croissance et de l’emploi. Et troisièmement : prendre en matière de justice et affaires intérieures les décisions propres à garantir la sécurité de la population britannique.

Le débat sur l’Europe n’est pas près de s’arrêter, au fur et à mesure que l’intégration de la zone Euro devient plus étroite – c’est là une certitude. Et au Royaume-Uni, cela va souvent donner lieu à discussions, à réflexions et à controverse dans les années qui viennent. Mais ici même, et à ce moment précis, il est facile de résumer en quelques mots les priorités du Royaume-Uni : rigueur financière, emploi en hausse, et davantage de malfaiteurs derrière les barreaux.

Avant de développer ces trois points, je voudrais me pencher sur la proposition qui circule en ce moment et selon laquelle la meilleure façon d’améliorer la position du Royaume-Uni en Europe consisterait à renégocier les conditions de nos relations avec le reste de l’UE. Il faudrait nous sortir de ce qui est mauvais, rester attachés à ce qui est bon; et la façon d’y parvenir consiste à rapatrier un certain nombre des compétences transférées par notre pays

Voilà qui semble fort raisonnable; en fait, c’est une proposition plutôt séduisante – qui pourrait ne pas être d’accord avec tout cela?
Mais regardons cela d’un peu plus près. Car si un vaste rapatriement unilatéral de compétences peut sembler avoir bien des attraits…en fait, il s’agit là d’une fausse promesse, drapée dans les couleurs nationales.

Permettez-moi d’expliquer pourquoi.

Je suis tout à fait d’accord pour réduire les règles européennes lorsqu’elles sont futiles et onéreuses. Le week-end dernier, nous avons eu vent de propositions visant à réglementer le type de chaussures et de bijoux que portent les personnels des salons de coiffure dans notre pays. Ce genre de choses est manifestement excessif. Ayant travaillé au cœur même de l’UE, je pourrais assurément vous donner encore quelques exemples du même genre.

Et, plus profondément, il nous faut recentrer l’UE, afin qu’elle en fasse davantage là où elle ajoute de la valeur, et moins où elle n’en ajoute aucune. Je suis très fier du bilan qui est celui du gouvernement dans les efforts qu’il a déployés en ce sens avec nos partenaires européens. Qu’il s’agisse de réduire les tracasseries communautaires pour les petites entreprises; ou de parvenir à un accord sur un brevet européen après 23 ans de négociation; ou d’obtenir enfin un accord de transfert des compétences en matière de pêcheries. Mais nous devons en faire encore bien davantage pour que l’Europe se focalise sur les politiques qui créent de la croissance économique et la rendent plus compétitive. Et je souhaite que le Royaume-Uni soit à l’initiative sur ce sujet.

Je ne crois donc pas que l’Europe soit parfaite, ni de près ni de loin, et je suis un ardent partisan de la réforme de l’UE. Mais cette idée que nous devrions – ou pourrions – nous extraire du plus gros des obligations liées à l’UE n’a aucun sens. C’est prendre ses désirs pour des réalités que de suggérer que nous pourrions – pratiquement- nous permettre de mettre à mal le marché unique dans le seul but de renégocier notre adhésion à celles des règles qui nous conviennent.

Pour les autres pays d’Europe, cela serait tout simplement hors de question.

Quel est le genre de club qui vous accorde un statut de membre à part entière, avec tous les avantages, mais qui n’attend pas de vous que vous payiez la cotisation dans son intégralité, ou que vous ne respectiez pas toutes les règles? Si quiconque d’autre s’y essayait – si les Français cherchaient à s’exempter des règles sur l’environnement ou la protection du consommateur; si les Allemands cherchaient à s’affranchir de leurs obligations en matière de concurrence et de marché unique – nous les en empêcherions et nous aurions raison.

Et puis, honnêtement: bien des partisans du rapatriement des compétences sont ceux-là même qui voudraient que nous sortions de l’Europe – point final. Pour eux, aucun rééquilibrage des pouvoirs ne suffira jamais. Et il n’existe donc pas de ligne de démarcation bien ferme entre rapatriement et sortie. Car, pour ces gens-là, le rapatriement revient à dévider un fil – et ils veulent défaire toute la bobine. Voyez simplement ce qui s’est passé ces quelques dernières semaines : dès que nous commençons à parler de rapatriement de compétences, nous tombons dans le débat rester/sortir.

Et nous diriger vers la sortie serait un sûr moyen de diminuer le Royaume-Uni. Car alors, quoi? Devenir une nouvelle Norvège, une nouvelle Suisse? Les partisans du rapatriement montrent du doigt ces deux pays comme ayant tous les avantages: l’accès aux marchés européens, sans empiètement sur leur souveraineté.

Or ces pays restent là à attendre passivement les règles et directives en provenance de Bruxelles. Ils paient la part qui leur revient, ils modifient leur législation, mais sans le moindre droit de regard sur les règles européennes: aucune représentation politique, aucun droit de vote, aucun droit de s’exprimer du tout. Ils marchent à la ‘démocratie par fax’ : ils trouvent les instructions tous les matins sur la machine et ils les suivent à la lettre. Ils ne disposent d’aucune souveraineté qui compte au sein de l’UE.

La Norvège a dû mettre en application les trois quarts de toute la législation de l’UE, y compris la directive sur le temps de travail. Elle verse sa contribution au budget de l’UE, au regard des programmes particuliers auxquels elle participe et des subventions au développement destinées aux nouveaux Etats membres.

La Suisse n’a aucun accès garanti au marché unique. Elle doit négocier au cas par cas. Et en ce moment même elle doit mettre en place une règlementation bancaire aussi rigoureuse, ou même davantage, que celle de l’UE, à seule fin de préserver les courants d’affaires entre banques suisses et européennes.

Choisir cette voie représenterait une perte de souveraineté catastrophique pour notre pays. Je veux mieux que cela pour le Royaume-Uni.

Et nos autres alliés eux aussi veulent mieux que cela pour nous.

Depuis longtemps le Royaume-Uni marche la tête haute à Washington, parce que nous marchons la tête haute à Bruxelles, Paris et Berlin. Le maintien de notre « relation spéciale » avec Washington a beaucoup d’importance. Mais, pour les Américains, le poids qui est le nôtre vis-à-vis du Continent a toujours fait partie intégrante de l’attrait que nous pouvons exercer sur eux. Cela va rester le cas quel que soit le locataire désigné de la Maison Blanche après la semaine prochaine.

Et même s’il est, naturellement, important que nous nouions de nouvelles alliances à travers le monde, en Asie, notamment en Inde, en Amérique Latine, l’idée que nous puissions nous larguer jusqu’au milieu de l’Atlantique, dansant sur l’eau au gré d’un nouveau réseau de relations mais sans solide ancrage en Europe ‒ alors que divers pays dans le monde, soit dit en passant, fonctionnent de plus en plus en “blocs” régionaux ‒ voilà qui, de toute évidence, ne saurait constituer une bonne stratégie dans un monde en évolution rapide, fluide et peu sûr.

Ceux qui voudraient que nous tournions le dos à nos voisins semblent penser que nous disposerions aussitôt d’un réseau d’alliances de remplacement, un ensemble d’accords internationaux avec d’autres pays sur lequel nous appuyer au pied levé. Mais ce n’est pas ainsi que cela se passe.

La Commission vient de confirmer, par exemple, que si le Royaume-Uni sortait de l’UE d’un jour à l’autre, nous perdrions du même mouvement le bénéfice de tous les accords commerciaux passés entre l’UE et de tierces parties. Ce sont 46 pays avec lesquels nous avons des accords, et 78 autres avec lesquels les négociations sont en cours. Notre statut de membre de l’UE nous donne accès à chacun d’eux. Et cela comprend quasiment tous les pays du Commonwealth. L’UE envisage d’ouvrir des négociations avec neuf pays supplémentaires, dont deux, le Japon et les USA, seraient très importants. Entendons-nous vraiment quitter l’UE, perdre pour nos exportateurs le bénéfice de ces accords de libre-échange qui supplantent les règles de l’OMC et vont même au-delà, et risquer d’avoir à renégocier tout cela à partir de zéro ? Pour le gouvernement du Royaume-Uni, il y faudrait une décennie entière, et en ne faisant rien d’autre. Et qui peut sérieusement suggérer que le Japon, ou la Corée du Sud, ou le Brésil nous offriraient de meilleures conditions, en tant qu’île de 60 millions d’habitants, qu’en tant que continent de 500 millions ?

L’ironie veut que ceux qui comprennent vraiment bien cet argument de la puissance du nombre ne soient autres que les nationalistes écossais. Ils peuvent bien chercher à se séparer du Royaume-Uni, mais ils vont répétant partout qu’une Ecosse indépendante aurait un droit d’accès automatique à l’UE – affirmation qui ne repose sur aucune réalité objective – précisément parce qu’ils voient bien à quel point ce statut importe pour la prospérité de l’Ecosse. Et ils savent qu’une Ecosse vivant à part, cherchant sa réintégration dans l’UE, perdrait les avantages supplémentaires dont elle bénéficie en faisant partie d’un Etat-membre plus vaste. Ils ne veulent pas se trouver confrontés à ce qui pourrait arriver à l’influence de l’Ecosse sur les quotas de pêche, la politique agricole, ou la règlementation des banques. Ils ne veulent pas se faire rattraper par la réalité. Du coup, ils sont en plein déni de la réalité, préférant les grandes affirmations politiques aux bons conseils juridiques.

La meilleure et la plus réaliste des solutions pour le Royaume-Uni consiste à tenir tout notre rang dans notre arrière-pays européen, au nom de notre sécurité, de notre prospérité et de la place qui est la nôtre dans le monde. Tenir tout notre rang, cela veut dire que nous nous affirmons quand il faut que nous défendions les intérêts du pays. Mais cela veut dire aussi coopérer avec nos voisins lorsque c’est pour le bien du peuple britannique.

Dans les semaines et les mois à venir, cela va vouloir dire trois choses.

Il s’agit, tout d’abord, d’adopter une position très ferme en ce qui concerne le budget de l’UE. Celui-ci fera l’objet d’une réunion spéciale du Conseil européen à la fin de novembre, et il a déjà donné lieu hier à un débat à la Chambre des Communes.

La position du Gouvernement de Coalition reste la même: nous n’accepterons aucune augmentation du budget de l’UE au-delà de ce qu’il faut pour compenser l’inflation. Il s’agit donc là d’un gel en termes réels. Et nous entendons préserver le « rabais » britannique dans son intégralité. Aucun autre pays européen n’a de position aussi ferme. A un moment où de très sévères restrictions budgétaires au Royaume-Uni affectent sérieusement le contribuable britannique, il nous est impossible de soutenir une augmentation en termes réels des dépenses de l’UE.

Le Parti travailliste a maintenant adopté une position différente – ayant viré de bord. Ed Balls sait trop bien, l’ayant appris à ses dépens, qu’il n’existe absolument aucune chance de s’entendre sur une réduction du budget de l’UE en termes réels. Mais à la onzième heure, et ayant gardé le silence sur la question pendant des mois, le Parti travailliste proclame maintenant qu’en fait, c’est ce qu’il a toujours voulu. Et qu’il est en mesure de donner un coup de baguette magique sur la table de négociation du Conseil et de persuader les 26 autres pays de se ranger à son avis.

C’est pourtant le Parti travailliste qui avait approuvé le dernier en date des pactes budgétaires à long terme de l’UE, qui avait vu les dépenses communautaires augmenter très notablement, tout en abandonnant une partie du « rabais » britannique en échange de réformes largement en trompe-l’œil dans les dépenses de l’UE. Et les contribuables britanniques en ont depuis souffert les conséquences, notre contribution nette passant de moins de trois milliards d’euros en 2008 à plus de sept milliards en 2011. Et qui furent deux des députés travaillistes à voter pour ? Ed Balls et Ed Miliband. Qui était ministre des Affaires européennes? Douglas Alexander.

Leur revirement est malhonnête, il est hypocrite. Et, pire que tout, le projet travailliste coûterait encore davantage au contribuable, et non moins. Car en défendant une position totalement irréaliste sur le budget de l’UE – position qui se trouve à des kilomètres de celles de n’importe quel autre pays – les travaillistes n’auraient absolument aucune chance de parvenir à un compromis.

Il aura fallu des années d’attente avant que les travaillistes annoncent finalement comment ils réduiraient les dépenses. Ils ont maintenant fini par se déclarer en faveur de réductions mais d’une manière dont ils savent très bien qu’elle est irréalisable; et qu’elle serait préjudiciable au contribuable britannique. Et il apparaît même que leurs réductions coûteraient de l’argent. J’ai entendu certains dire que c’est habile et de bonne guerre venant de l’opposition – et je suppose que c’est le cas. Mais ce n’est pas l’attitude d’un parti qui aspire sérieusement à revenir aux affaires.

Oui, la position du gouvernement britannique est très ferme. Oui, la négociation va être difficile. Mais nous travaillons à un compromis car c’est le meilleur moyen de protéger les intérêts britanniques. Le Premier Ministre et moi-même pouvons bien avoir nos divergences à propos de l’Europe, mais là-dessus nous sommes absolument unis. D’un côté, nous avons des opposants au gouvernement qui prétendent que nous pouvons donner moins. De l’autre côté, certains en Europe exigent que nous donnions davantage. Mais notre rôle à nous consiste à prendre des décisions réalistes, responsables et de bon sens au nom du peuple britannique.

C’est là un compromis auquel nous pouvons parvenir – tel est le message que je fais passer à mes homologues européens. Les gouvernements de l’Europe entière devant tirer le meilleur parti de chaque livre sterling, euro ou zloty qu’ils dépensent, un gel en termes réels est une bonne proposition. Il est de l’intérêt bien compris de l’UE d’apparaître comme faisant vraiment preuve de retenue.

Deuxièmement, nous devons faire ce qu’il faut pour préserver et faire avancer le marché unique – et la place que nous y occupons – afin de défendre l’emploi en Grande-Bretagne.

C’est un emploi sur 10 ou à peu près qui, en Grande-Bretagne, dépend des échanges du pays avec le marché unique. La moitié environ de toutes nos exportations va aux autres pays européens – et elles proviennent d’une centaine de milliers d’entreprises.

Mais l’Europe évolue, et nous ne pouvons donc tenir pour acquise une fois pour toutes l’intégrité du marché unique. C’est déjà apparu clairement dans le cours des négociations sur la nouvelle union bancaire de la zone Euro, dont nous devons nous assurer qu’elle ne va pas compromettre le marché unique des services financiers, au détriment de la City. Et nous devons nous attendre à voir ce genre de situation se reproduire de plus en plus, avec l’intégration toujours plus poussée de la zone Euro.

Et nous n’allons pas seulement devoir défendre le Marché Unique – il faut aussi que nous l’approfondissions. Supprimer les obstacles aux échanges dans les secteurs des services et de l’informatique permettrait au ménage moyen d’économiser environ 3 400 livres sterling par an. Mais cela ne se fera pas si le Royaume-Uni ne prend pas la tête du mouvement. Nous avons été l’un des architectes du marché unique: Lord Cockfield – le commissaire britannique – a participé à sa mise au point; Margaret Thatcher a joué un rôle majeur dans sa mise en place; et aujourd’hui – étant l’économie la plus ouverte et la plus libérale de toute l’UE – il va nous falloir aider à achever ce qui a été commencé voici vingt ans.

Et c’est ainsi que nous envoyons aussi les bons signaux aux investisseurs étrangers. L’une des raisons pour lesquelles les grandes entreprises multinationales viennent ici, c’est que nous leur offrons une rampe de lancement pour le marché sans frontières le plus vaste du monde. Pensez aux grands employeurs qui se sont installés ici : Samsung, Tata, Siemens. Les géants de l’automobile à l’origine de la renaissance du secteur en Grande-Bretagne: Nissan, Honda, BMW, Toyota. Des entreprises qui aujourd’hui ne paient aucun droit à l’importation sur les véhicules qu’elles expédient d’ici vers le Continent. Mais qui pourraient être confrontées à des taxes allant jusqu’à 22 pour cent si le Royaume-Uni sortait tout d’un coup de l’UE.

Il faut assurer ces entreprises que nous allons bien rester la meilleure tête de pont vers le marché européen. Nous ne pouvons pas nous permettre de donner l’impression que nous allons nous désengager. Nous devons continuer à privilégier la dynamique commerciale entre nous et nos voisins. C’est là le seul moyen de protéger l’emploi en Grande-Bretagne. Cette position est favorable aux milieux d’affaires et favorable, aussi, à la Grande-Bretagne.

Troisièmement, la coopération justice et affaires intérieures.

Avant de signer le Traité de Lisbonne en 2009, le précédent gouvernement avait négocié une faculté de retrait à l’égard d’un ensemble de 130 mesures portant sur la délinquance et la police, qui étaient antérieurs au Traité. Il appartient aujourd’hui à la coalition de décider si nous maintenons notre adhésion à toutes ces mesures, ou si nous nous désengageons de l’ensemble avant de chercher à ré-adhérer à certaines d’entre elles bien choisies – en fonction des négociations avec la Commission et le Conseil. Il faut prendre une décision en 2014 au plus tard et nous permettrons au Parlement de se prononcer. Mais, très clairement, il faut que nous nous mettions aujourd’hui d’accord sur notre position de départ.

Nous passons donc maintenant en revue ces 130 mesures. Le gouvernement a fait savoir que pour le moment nous pensons les dénoncer en masse, avant de chercher à ré-adhérer à certaines d’entre elles. Mais je voudrais que ceci soit absolument clair: aucune décision définitive n’a encore été prise. Et je ne donnerai mon accord à une dénonciation d’ensemble que si je suis à cent pour cent assuré que nous pourrons ré-adhérer aux mesures qui s’imposent pour défendre la sécurité de la population britannique, et seulement si je suis convaincu que nous n’allons susciter ni gâchis, ni double emploi, ni frais inutiles. Nous serons à tout moment guidés par les faits objectifs et par les experts. Ce qui compte, c’est de prévenir les activités criminelles et le terrorisme – cela ne doit pas se transformer en bagarre idéologique. Nous allons probablement nous apercevoir que certaines de ces mesures sont caduques. Comme celles, anciennes, visant à améliorer la collecte des données en matière de trafic de drogue, ou des répertoires périmés à usage des professionnels de la lutte contre la criminalité – des instruments anciens aujourd’hui dépassés. Mais certains de ces instruments ont transformé la façon dont notre police conduit ses opérations, rendu justice à des victimes qui auparavant en auraient été privées, et envoyé des milliers de criminels derrière les barreaux.

Personnellement, je crois très fermement qu’Europol est vraiment très utile, en mettant en commun les renseignements qui permettent de lutter contre le crime organisé le plus sérieux. Les équipes d’enquête conjointes et Eurojust permettent les opérations à travers les frontières, comme l’enquête en cours sur le récent meurtre d’une famille britannique près d’Annecy, en France. Aujourd’hui un violeur, un pédophile ou un repris de justice violent vivant en Grande-Bretagne pourra avoir un casier judiciaire à l’étranger – il nous suffit pratiquement d’un seul clic pour le recevoir. Lorsqu’un faux passeport ou un faux permis de conduire britanniques apparaissent quelque part en Europe, nous pouvons en être aussitôt informés. Lorsqu’un fugitif s’échappe du Royaume-Uni, nous pouvons recourir au Mandat d’arrêt européen pour le ramener chez nous – comme nous l’avons vu récemment dans le cas du professeur d’école Jeremy Forrester. Oui, le Mandat d’arrêt doit être réformé pour qu’il soit utilisé de manière bien proportionnée, mais c’est un instrument important de lutte contre le crime. Nous avons réussi à fixer des normes exigeantes pour la lutte contre la pornographie infantile à travers toute l’Europe – et cela s’est fait à l’instigation du Royaume-Uni. Notre police peut s’appuyer sur les ressources et les renseignements de tous les professionnels de la lutte contre la criminalité en Europe lorsqu’il s’agit de traquer des assassins, des condamnés en fuite ou pour empêcher le blanchiment de milliards et de milliards hors du pays chaque année.

Selon les propres termes de Hugh Orde, président de l’Association des Gradés de la Police: « Au 21e siècle, les activités de police sont internationales. » Et à quiconque prétendrait que nous n’avons aucun besoin de ces mesures de l’UE pour combattre efficacement les activités criminelles et terroristes, je réponds « Prouvez-le. » Prouvez-le à la police, aux services de renseignement, aux hommes de loi, aux organismes qui soutiennent les victimes de ces activités. Prouvez-le à ceux qui jour et nuit ont à faire aux pires criminels qu’on puisse imaginer. Car ma position est très claire: je ne vais pas leur demander à tous de protéger la population britannique avec une main liée derrière le dos.

Le Royaume-Uni fait partie du système de lutte contre la criminalité transfrontière le plus avancé qui soit de toute la planète. Et nous avons été au tout premier rang de ceux qui l’ont mis en place. Ces 15 dernières années, c’est nous qui avons ouvert la voie de la coopération en matière criminelle et entre polices en Europe. Le chef d’Europol est britannique. Le précédent responsable d’Eurojust était britannique. Le centre d’entraînement de la police de l’UE se trouve à Bramshill, dans le Hampshire. Ces 130 mesures judiciaires et policières portent toutes notre marque. Et j’entends bien que la population du Royaume-Uni continue de bénéficier – intégralement – du système que nous avons mis sur pied.

Donc, rigueur en matière budgétaire, davantage d’emploi et davantage de malfaiteurs derrière les barreaux. C’est le contrat que nous allons honorer pour le peuple britannique. Rien de tout cela ne peut se faire à partir de la marge. On ne peut pas faire ce qu’il faut pour la population britannique avec un pied déjà dehors. L’Europe évolue – oui. Mais plutôt que de nous replier, le moment est venu d’aborder de front ces évolutions. Nous devons décider ce que nous voulons être dans l’Europe nouvelle. Et ce que j’en dis, moi, c’est qu’il nous faut être solides, parler fort et faire acte de présence.

Voilà la stratégie qui va rendre le Royaume-Uni plus prospère, plus sûr, plus solide. Porter haut la défense des intérêts de la population britannique en nous tenant la tête haute dans notre propre arrière-cour.

Je vous remercie.”

Publié le 1 November 2012