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"Agir contre les violences faites aux femmes"

Tribune conjointe de Lynne Featherstone et Najat Vallaud-Belkacem le 8 mars 2013 sur lemonde.fr

Cela a été publié dans le cadre du 2010 to 2015 Conservative and Liberal Democrat coalition government
International Women's Day 2013 debate in Paris

International Women's Day 2013 debate in Paris

Le 8 mars est depuis un siècle la journée internationale des droits des femmes. Cette date est une nouvelle occasion de souligner qu’en dépit des progrès réalisés, aujourd’hui encore, l’égalité entre les femmes et les hommes est loin d’être une réalité. Elle nous rappelle aussi qu’il ne suffit pas d’agir un jour par an : l’égalité est un travail de tous les instants. C’est pour cette raison que le Gouvernement français a lancé cette année une initiative : “ Le 8 mars, c’est toute l’année ! “.

Le 8 mars doit aussi rappeler avec force que les violences commises à l’égard des femmes sont à la racine des inégalités entre les femmes et les hommes et que les violences sexistes et sexuelles constituent bien trop souvent le révélateur extrême de toutes les autres inégalités.

Car les faits sont têtus : les violences faites aux femmes sont la violation des droits de la personne humaine la plus répandue sur la planète. Sept femmes sur dix dans le monde disent avoir subi victimes des violences sexuelles ou physiques au cours de leur vie. Les exemples de violences dans l’actualité récente ne manquent pas : Malala Yousafzai, la jeune écolière pakistanaise visée et blessée par balle parce qu’elle osait aller à l’école. L’étudiante indienne, victime d’un viol collectif à Delhi, tout simplement parce c’était une femme. Dans les pays en situation de conflit, les femmes continuent d’être la cible de violences sexuelles intolérables comme en République démocratique du Congo, en République centrafricaine, au Soudan ou encore en Syrie et cette liste n’est certes pas exhaustive.

Les violences envers les femmes n’ont pas de frontière

Aucun pays n’échappe à cette réalité. Des milliers de femmes sont chaque année aussi victimes de violences physiques ou sexuelles en France et Royaume-Uni. C’est pourquoi, la lutte contre toutes les formes de violences à l’égard des femmes est au cœur des préoccupations et des priorités des gouvernements auxquels nous appartennons. Il s’agit d’un domaine d’action prioritaire au niveau national mais aussi international car les violences envers les femmes n’ont pas de frontières et sont une réalité politique et sociale mondiale qui exige une réponse mondiale.

C’est le message que nous avons porté ensemble à New York où nous avons participé à la session annuelle de la Commission de la Condition de la Femme qui est précisément consacrée à cette thématique majeure que constituent la prévention et l’élimination de toutes les formes de violences à l’égard des femmes. Cette Commission des Nations Unies est un instrument déterminant pour promouvoir les droits des femmes et l’égalité entre les sexes. Elle permet de définir des engagements concrets de la communauté internationale dans ces domaines.

C’est la raison pour laquelle, et contrairement à la session précédente qui s’était achevée sur un échec, il importe que celle-ci permette l’adoption de conclusions agrées d’un haut niveau d’ambition qui traceront le cadre d’action des Etats en matière de prévention et de lutte contre toutes formes de violences commises à l’égard des femmes mais aussi des filles. Elles témoigneront de l’engagement, unanime et continu, de la communauté internationale en faveur de l’éradication de toutes les formes violences e de la réalisation de tous leurs droits.

Ce cadre sera particulièrement important à la veille des grandes échéances internationales en matière de droits des femmes : les 20èmes anniversaires des conférences du Caire et de Pékin et surtout, les travaux d’actualisation des Objectifs du Millénaire du développement post-2015.

Soutenir l’indépendance

En tant que ministres et en tant que femmes, engagées dans nos pays respectifs pour les droits des femmes et l’égalité des genres, nous sommes fortement mobilisées dans ce combat contre les violences et plus largement pour l’égalité des droits qui suppose de pouvoir agir sur plusieurs leviers d’action.

Il importe avant tout de travailler, pour mettre fin aux violences à l’égard des femmes, à soutenir leur indépendance. Car l’égalité à laquelle nous œuvrons suppose une autonomie effective des femmes qui n’a de réalité que si elle englobe les droits fondamentaux que constituent le droit à disposer de son corps et les droits sexuels et reproductifs. La négation de ces droits est souvent la première expression des violences qui sont exercées à leur encontre. C’est l’un des points les plus discutés aujourd’hui dans les enceintes internationales, et à New York actuellement, et que la France et le Royaume-Uni soutiennent résolument.

Le Royaume-Uni soutient aussi en ce sens un projet nommé “Making it Happen” qui forme le personnel médical dans les pays en développement dans le domaine de la santé reproductive. Fin 2011, ce projet avait permis de former presque 3000 agents. De même, la France finance des programmes dédiés à l’accès à la santé sexuelle et reproductive notamment en Afrique sub-saharienne et en Haïti en coopération avec ONU Femmes. Des mesures ont été prises par ailleurs récemment pour assurer la mise en œuvre concrète des droits sexuels et reproductifs des femmes en France. C’est le cas notamment du remboursement à 100% de la contraception des mineures ou encore de l’interruption volontaire de grossesse.

Il faut, ensuite, veiller à ce que dans tous les programmes ou les stratégies d’aide et de coopération que nous mettons en œuvre dans les pays en développement soit pris en compte un volet “égalité femme-homme”. C’est l’un des objectifs de la nouvelle politique d’aide au développement de la France qui vient compléter les actions déjà spécifiquement entreprises au bénéfice des femmes. C’est le cas par exemple d’un projet financé par le Royaume-Uni qui travaille ainsi au Népal au niveau local à améliorer l’accès à la justice par la mise en place de tribunaux locaux, avec une attention particulière portée aux femmes. Ainsi 18 000 cas sont passés devant les tribunaux en deux ans. C’est aussi le cas de la France qui finance des programmes de lutte contre violences faites aux femmes en Afrique du nord et subsaharienne ou encore pour l’accès des femmes à la justice en Afghanistan.

Fortes tentations pour faire reculer les acquis

Il faut, enfin, organiser la mobilisation de la communauté internationale et fédérer les énergies en vue des prochaines échéances internationales dans un contexte où les tentations de faire reculer les acquis sont fortes et largement portées par certains pays au nom, notamment, de la tradition, de la culture ou de la religion. C’est bien l’objet de l’engagement de nos deux pays actuellement à New York à la Commission de la Condition de la Femme et dans d’autres enceintes multilatérales. Cette mobilisation doit permettre en particulier de soutenir le caractère universel de tous les droits qui s’attache à la personne humaine et dont les droits des femmes font partie intégrante et de rappeler notre refus de tout relativisme qui tenterait de fragiliser cette bataille essentielle pour l’égalité entre les sexes.

L’initiative britannique dans le cadre du G8 – dont le Royaume-Uni assure la Présidence en 2013 – en matière de prévention des violences sexuelles s’inscrit pleinement dans cet objectif. Elle vise à fixer de nouveaux engagements internationaux pour réduire les situations de violences sexuelles dans les zones de conflit. Ce sera une priorité pour la France et le Royaume-Uni lors de la réunion des Ministres des Affaires étrangères du G8 qui se tiendra en avril 2013.

C’est aussi l’ambition de deux grands rendez-vous internationaux que la France organisera en 2013 : le tout premier Forum mondial des femmes francophones, qui se tiendra à Paris le 20 mars prochain et la 3ème réunion ministérielle de l’Union pour la Méditerranée consacrée au renforcement du rôle des femmes dans la société qui se tiendra également à Paris, les 3 et 4 juillet prochains. La question des violences faites aux femmes sera un point central de l’ordre du jour de ces deux rencontres.

Dans cette perspective de mobilisation internationale en faveur de la promotion et de la défense des droits des femmes, l’implication des associations, des ONG et du grand public est plus que jamais nécessaire. Les campagnes de plaidoyer dans ce contexte où les droits des femmes sont menacés de recul sont en outre particulièrement importantes comme la pétition en ligne de l’ONU contre les violences de “genre” que nous invitons relayer très largement.

A la veille du lancement au niveau international d’un nouveau cycle politique en matière de droits des femmes, en tant que ministres, française et britannique, nous sommes résolues à promouvoir les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais nous ne pouvons pas – et nous ne devons pas – agir seules. Il est de la responsabilité de la communauté internationale dans son ensemble d’agir pour mettre fin aux inégalités, aux discriminations et aux violences encore vécues par trop de femmes. Cet objectif requiert un effort de tous et de tous les instants. La journée internationale des femmes est là-aussi pour le rappeler.

Lynne Featherstone est ministre au Department for International Development, ambassadrice britannique pour les droits des femmes ; Najat Vallaud-Belkacem est la ministre françaises des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Source : lemonde.fr

Publié le 4 March 2013